Catalunya

A chaque matin son rituel qui est maintenant bien inscrit dans notre voyage. Cette fois-ci, ce sera la dernière fois que nous le ferons en France, car à ce qu’il paraît, l’Espagne est à moins d’une journée de vélo. Il nous faudra encore gravir quelques pentes pour se laisser ensuite glisser sur Bourg-Madame, la ville française qui fait frontière à Puigcerdà, notre porte d’entrée en Catalogne.

C’est à la lumière du jour que nous ouvrons les yeux, ce qui est plaisant à cette période car nous gagnons chaque jour quelques minutes de sommeil. Je sors de notre petite Hubba Hubba par ma porte personnelle après un petit bisou à Rosette qui préfère toujours rester au lit… J’ai d’ailleurs trouvé une petite astuce pour l’aider à sortir de la tente; mieux que de tirer le duvet comme le ferait un sergent avec ses recrues – expérience vécue, c’est de dégonfler le matelas haha. Ouais c’est pas cool, mais qu’est ce qu’on a rit cette fois-là quand je voyais Rosette, emmitouflée dans son gros sac de couchage, qui s’affaissait gentiment au son du pssssshhhhhh la mine désespérée!

Ce 30 septembre, à Formiguères où nous sommes, les nuits sont froides et c’est avec la doudoune qu’on se prépare un café. Moment très important dans la journée qui commence même souvent avec deux cafés. Il serait presque impensable de se mettre en route sans notre petite ration de caféine – il nous arrive même de se coucher en se réjouissant du matin pour ce moment. Viens ensuite la séquence inversée du rituel du soir, une séquence de rangement très précise tant l’espace de certaines de nos sacoches est optimisé. Chacun a trouvé ses repères et automatismes où les gestes sont maintenant mémorisés tant la précision de ces petits mouvements est importante pour rendre le départ efficace.

Ce matin là, on y va un peu à reculons; chaque petite distraction est bonne pour marquer une pause. On ne se dit rien, mais on partage la petite nostalgie de quitter ces paysages français qui nous sont chers. Et pis, l’Espagne, ça sera comment, serait-ce si différent, serons-nous à notre aise, pourrons-nous communiquer avec nos notions d’espagnol, trouverons-nous des coins sympas pour nous poser, et la nourriture ? Un aperçu de toutes ces petites questions qui trottaient dans nos têtes sur ces 20km qui nous amenaient à Puigcerdà.

Et voilà que le moment est là, on prend la photo sous le panneau européen “España” à partir duquel les gens nous accueilleront dorénavant avec des “Holà, bon dia !”. La petite boule au ventre, on pénètre ce nouvel espace qui s’offre à nous. Bon, c’est vrai, ce n’est pas la première fois que nous venons en Espagne, mais tout de même, le fait d’y aller en deux roues avec notre maison sur soi, la sensation est tout autre. C’est donc par la Catalunya que notre périple espagnole commencera, une région que nous traverserons en 10 jours.

En comparaison avec la France, les routes ici sont différentes; le réseau semble moins dense car notre guide Komoot nous amène souvent sur les nationales si nous ne le forçons pas à les quitter. On se retrouve donc rapidement sur la C-14 une grande route qui descend tout droit sur Tarragona. Le flot de camions et de voitures demande de la vigilance, mais à notre grande surprise, ici en Espagne, le respect du cycliste est important. Les véhicules nous dépassent toujours doucement ou attendent derrière nous d’avoir assez de place pour nous devancer. La bande latérale est large et on s’y sent en sécurité. Ce n’est malheureusement que les gros SUV aux plaques andorranes qui nous dépassent à plus de 100 km/h et nous laissent dans un nuage de poussière. Ces stéréotypes qui malheureusement s’auto-alimentent (les vitres tintées, les gros pneus) ne se contredisent pas et on est content d’avoir esquivé la principauté cette fois-ci sur nos deux Bombtracks.

L’itinéraire qui nous a mené à Tarragona – où nous nous réjouissions d’aller, nous fait découvrir les contrastes de la Catalogne. La chaleur des Pyrénées du Sud que nous avons ressentie dès notre passage en Espagne ne nous a pas quittés jusqu’au bord de mer. Proches d’Oliana, décidés d’en finir avec la grande nationale, nous partîmes dans les montagnes pour la contourner. Journée éprouvante mais pleine de beauté quand nous sommes arrivés au col de la Serra Seca pour rejoindre le village d’Oliana. Sans-doute un des highlight de ces derniers jours. Je n’ai pas manqué d’aller jeter un petit coup d’oeil au site de grimpe très connu des grimpeurs “mutants” comme on les appelle, particulièrement de Chris Sharma et sa mythique voie, la “Dura Dura”, en 9b+!

Cette région de montagne est très rurale mais aussi très accueillante. Nous avons eu beaucoup de plaisir à parler en français avec Joan, le patron du restaurant de la Gazolina. On y a mangé copieusement sur sa terrasse, parmi les supporters du Real Madrid heureux de finir à 3-2 contre Naples!

Une fois ces paysages montagneux derrière nous, on vit une autre facette de la Catalogne. Moins accueillante cette fois-ci. Paysages secs, terrassés pour les cultures, le royaume de BonArea. Ces deux jours de route jusqu’à Tarragona nous ont marqués par l’odeur qui émanait de cette terre, comme si elle semblait souffrir de son exploitation abondante. Durant notre passage, la moisson étant terminée, les sols remplis de fumier s’étalaient à perte de vue. Sur nos vélos, il n’y a pas de fenêtres à fermer, de bouton “circuit fermé” à appuyer quand la clim est enclenchée. À vélo, on le vit sûrement différemment, on se pose des questions. Pourquoi. Un peu comme si on se retrouvait en gros plan face à la problématique de notre mode de consommation, le backstage de la joyeuse musique des supermarchés. Ces petits électrochocs qu’on ressent et qu’on n’oublie pas quand on doit aller faire ses courses. La volonté de manger local mais l’impossibilité de le faire tous les jours.

En roulant au milieu de ces champs on suit une route secondaire qui passe par Guissona, une ville quelconque à priori. On ne s’attendait pas à arriver sur le siège de l’énorme entreprise agroalimentaire de BonArea et ses bâtiments gigantesques. Plantés un peu à l’extérieur de la petite ville de campagne, il nous faudra un certain temps pour dépasser les entrepôts et atteindre le centre du village où nous nous installons pour un petit café. Après une pause des effluves des champs, assis sur notre terrasse avec nos cafés, on se regarde, l’air inquiet: « Mais c’est quoi cette odeur partout dans ces rues ». La même odeur que celle qui sort des paquets de croquettes pour chat. On ne met pas long à comprendre que ça vient de l’usine BonAéra. Impossible de rester là, on quitte rapidement la ville.

La petite air de camping-car de Cervera, une étape dans notre descente sur Tarragona, nous a bien ressourcé. La rencontre très chaleureuse avec Nadine et Nicolas, originaires de d’Espagne et de Marseille, y était pour beaucoup. Plein de petites attentions à notre égard et d’astuces pour la suite de notre voyage, on est reparti le coeur tout neuf.

Une fois sortis de ce paysage aride, le vert des arbres réapparaît doucement, l’odeur des fleurs nous redonne le sourire, les vignobles nous invitent à emprunter les petits chemins agricoles, poussiéreux mais exempts de circulation et nous voilà à Tarragona. Une ville qui nous a réservé de jolies surprises, architecturales de par son histoire romaine, une ambiance tranquille, les premiers tapas sur des terrasses parmi les afterworks des tarragoní et simplement le bonheur de se poser quelques jours pour marcher au lieu de pédaler.

La découverte de l’Espagne à travers les contrastes vécus en Catalogne nous a permis de nous sentir en voyage et de vivre un petit dépaysement loin des habitudes de chez nous. En effet, rien que les heures d’ouvertures des magasins, restaurants et cafés donnent le ton: ici, la vie commence à grouiller dès 16h, après la Siesta sacrée, car avant cela la ville dort encore. C’est dans cette ambiance latine du sud qu’on commence à ralentir notre rythme, et rien de mieux pour cela que les Helados (les glaces).

4 réponses à “Catalunya”

  1. Mmmh, le bonheur du café matinal avant de se lancer.

    Rosette, venge-toi, dégonfle le matelas de Pierrick alors qu’il est en train de s’endormir !

    1. Il me semble que le café est encré dans la vie des cyclistes 😅 et votre cafetière italienne nous fait de l’œil quand même haha 😉

      J’espère que Rosette ne se vengera pas comme ça AVANT que le sommeil ne me gagne 🫣

  2. Merci Pierrick,
    Ton écriture nous fait vraiment entrer et vivre votre voyage. 🥰👏
    Et attention dans la tente il se peut qu’une innocente punaise se ballade et pourrait venir dégonfler ton matelas 😂

    1. Merci Norbert 😊
      Je vais devoir bien inspecter la tente avant chaque nuit maintenant … 😅
      Bonne route à vous qui est aussi dans le voyage !!

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