Je sentais que j’aimais la montagne pour ses paysages solennels, pour les luttes engagées avec le sommet, pour les émotions et les souvenirs qu’elles procurent; mais peut-être l’aimais-je plus encore pour ce sentiment de liberté et de joie de vivre que je ne parvenais à éprouver que là-haut.
Walter Bonatti
Ce n’est pas un secret, nous sommes de grands amoureux des montagnes. Randonnée à pied ou à ski, trail, escalade, alpinisme. Nous saisissons toujours la moindre occasion qui nous est offerte d’aller nous y perdre, d’en explorer les différentes facettes et d’en apprécier l’imposante beauté. Dans notre lexique à nous, quand on parle de montagnes, ce sont toujours des Alpes dont il s’agit. Celles au pied desquelles on habite et dont on ne se lasse pas. Celles qui ne cesseront de nous attirer, de nous émerveiller, de nous surprendre et de nous rappeler à l’ordre quand on va un peu trop loin, à la recherche de nos limites.
Il nous est arrivé de temps en temps de penser aux Pyrénées, petite soeur des Alpes, et d’avoir envie d’aller à sa rencontre. Quand Alpes est plus imposante, majestueuse et aimant souvent jouer à l’inaccessible, Pyrénées se fait un peu plus discrète, tout en douceur et en rondeur. Sur une longueur de 430 km et avec un point culminant à 3’404m, la chaîne des Pyrénées nous a ouvert les bras au niveau du département de l’Aude et nous a accompagnés, en bonne hôte, jusqu’en Espagne.
Entourés de pâturages verdoyants et de denses forêts de chênes et de sapins, nous avons eu un véritable plaisir à en sillonner les routes parfois étonnamment raides jusqu’à Fromiguères, à s’extasier au pied des gorges de la Pierre-Lys et de Saint-Georges et à se faire impressionner puis bercer toute la nuit et finalement réveiller par le brame des cerfs à Roquefort-en-Sault.
Retrouver de l’altitude nous a fait beaucoup de bien. Lorsqu’on prend la route et qu’on sait qu’on a du dénivelé à faire, nos journées à pédaler sont différentes. Nous avançons chacun à son rythme, plus lentement, et prenons le temps de nous perdre dans nos contemplations. Penser à tout et à rien. Se demander où va la chenille si pressée qui traverse la route, ou combien de temps vivra le papillon qui voltige autour de notre vélo. Repenser à notre enfance, revoir des visages qu’on a perdu de vue, imaginer comment serait la vie si notre quotidien actuel était notre quotidien de toujours, ou à quoi elle ressemblerait si on pouvait la façonner en toute liberté. Laisser flotter les rubans du souvenir, comme dirait l’illustre Jacqueline de Romilly.
On sourit intérieurement en réalisant que, malgré notre envie de changer de rythme, on prend finalement un rythme assez proche de celui dont on a l’habitude dans la normalité de nos vies. On ne bosse plus derrière un écran c’est vrai, mais on se lève tous les matins, on prend notre café, on se prépare et on se lance dans notre quotidien. À la grande différence près que notre quotidien n’appartient qu’à nous et qu’on est seuls maîtres de notre temps et de ce qu’on en fait. On est content de se poser en fin de journée, bien fatigués, et on prend des journées de pause de temps en temps pour « prendre du temps pour soi ». Un sujet de plus que l’on médite pendant qu’on pédale; ce n’est pas facile de sortir de ces habitudes bien ancrées en nous et il faut certainement du temps pour déprogrammer tout ça, si tant est le souhait.
Il est rare qu’on décide à l’avance du moment ou du lieu où on va s’arrêter pour faire une pause. On roule généralement entre 3 et 4 jours d’affiliée et ce sont plutôt les lieux qui décident pour nous que nous y passerons plus de temps. Parce qu’il ont plus de choses à nous dire et qu’une seule nuit ne sera pas suffisante. Formiguères était de ces lieux qui nous ont donné envie de rester encore un peu plus longtemps. Peut-être parce que la pinède où on a posé la tente était idyllique, ou que le tout petit village était très accueillant avec tout ce petit monde qui voulait prolonger la conversation. Ou peut-être simplement parce que cette étape signait notre dernière halte dans cette France qui nous avait si bien accueilli, avant d’embarquer vers l’inconnu qui nous attendait en Espagne.
Quoiqu’il en soit, on quittera avec beaucoup de nostalgie ce magnifique département de l’Aude qui nous aura fait vibrer, pour partir à la découverte d’une autre facette des Pyrénées, sous le fort soleil catalan cette fois-ci.
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