Ce départ de chez nos amis nous a laissé avec cette impression de partir de chez nous, encore une fois. C’est assez drôle cette sensation de transposer notre chez nous au gré de nos déplacements. Lorsqu’on y pense, c’est comme si cette notion de “chez nous” n’était pas délimitée dans le temps ou l’espace. Elle se retrouve dans tous ces lieux chaleureux où on se sent bien et qu’on n’a plus envie de quitter. Ces lieux où on s’est tous déjà dit “Je me verrai bien habiter ici un jour!”. Une fois qu’on quitte ces “chez nous” de providence pendant notre voyage, c’est le confort de notre petite tente qui devient notre chez nous. Une tente que l’on pose ci et là, sous un arbre ou au bord d’une rivière. Un camp de base en mouvement permanent dans ce chouette pays sans frontière qu’est la vie.
En reprenant la route au départ de Montpellier, notre prochain camp de base avait des reflets bleus et ocres. Avec l’abondance de cette roche rouge nommée la Ruffe, le Lac du Salagou nous offrait un panorama qui donnait l’impression d’avoir réussi à insuffler la vie sur Mars! Ce lieu était particulier. Il s’en dégageait une immensité, un côté un peu sauvage. Nous étions très content de poser nos sacoches dans cet endroit, aux recommandations d’Adrien. Adrien qui a même réussi à nous rattraper sur la route pour finir notre étape du jour avec nous, avant de nous taper dans la main et de reprendre la route en sens inverse jusqu’à Montpellier! De notre côté, on a dîné au camping du coin dans un brouhaha de cour d’école, compte tenu de la sortie de classe qui y était organisée ce jour-là et qui donnait vie au lieu.
Reprise de la route le lendemain sur un magnifique tracé presque dénué de voitures mais … très venteux! Je vous épargne nos discussions de cyclistes assourdis en mode “Je me réjouis d’arriver au Pays Cathare” “Tu dis quoi sur le Qatar?”. Le soleil brillait fort et les cactus et figuiers de Barbarie remplis de fruits miroitaient la flore mexicaine que nous espérons retrouver en début d’année.
Après 30 km à jeun, nous étions heureux de faire halte à Bédarieux dans une petite épicerie bio qui sert aussi de bonnes petites assiettes de produits locaux, avant d’embarquer sur la fameuse Passa Païs!
Il s’agit d’une voie verte de 75 km traversant le Haut-Languedoc et aménagée sur une ancienne voie ferrée comme il est de plus en plus populaire de trouver en Europe. Loin de la circulation, on peut y rouler librement sur un revêtement de sable compacté bordé de chênes et de châtaigniers, et voir défiler une mosaïque de paysages. Les joies de l’enfance s’invitent sur cette route où Björn et Sirius faisaient sonner fièrement leurs sonnettes pour décrocher les sourires des cyclistes roulant en sens inverse!
Après une étape de 60 km, on est content de poser notre tente dans le chouette camping de Prémian (toujours sur la Passa Païs) tenu par un gérant franchement cool. Quant on ne trouve généralement même pas de papier-toilette dans les WC, ici, plein de choses étaient mises gracieusement à disposition des voyageurs. Des choses toutes basiques comme le savon ou le liquide vaisselle mais qui sont déjà des denrées rares, aux jeux de société, coin enfant, livres en tout genre, thés, cafés, mugs, bouilloire, frigo rempli et j’en passe. Le luxe quand toute notre vie tient dans 6 sacoches! On a énormément de plaisir à bavarder avec Michel qui sillonne la France depuis de longues années maintenant à bord de son VTT bien pensé.
Ce qu’on ignorait encore, c’était la folle journée que nous réservait le lendemain! Une journée qui avait commencé bien tranquillement sur les routes de gravillon de notre chère Passa Païs qui nous était maintenant bien familière. On sillonnait entre les châtaignes clairsemées sur notre chemin, en se demandant s’il y a possibilité de crevaison si on roulait dessus (mystère encore non élucidé). Quelques tunnels pas très éclairés mais tout gentils quand on sait qu’il n’y a pas de voitures en face, des ponts qui surplombaient de jolies rivières, un beau décor bien tranquille.
Après 40km de piste, on savait qu’une bonne montée de 700m de dénivelé nous attendait après le village de Mazamet où on a donc décidé de faire une petite halte pour reprendre des forces. Pierrick soupçonnait mon croque-monsieur d’avoir été trafiqué tant il ne comprenait pas mon énergie sur cette montée. J’avais la musique à fond et une envie de me dépasser sur cette ascension! Les cuisses qui sont en mode entraînement intensif depuis 3 semaines ont largement fait le reste. La récompense d’arriver bientôt à Carcassonne, capitale du Pays Cathare, nous motivait.
Arrivés tout en haut, le gros de la journée était clairement dernière nous. C’était sans compter sur l’ingéniosité de notre cher Google Maps qui a eu envie de nous suggérer un itinéraire pour le moins original, soit disant la “best cycling route” de notre tracé. Pas une mauvaise idée pour finir la journée! Sauf que c’était tout, sauf la best cycling route. Chemin de randonnée au mieux, meilleure route pour chercher des champignons ou se balader entre les roseaux. Une route semée de ronces, comme je n’en aurai jamais faite à ce jour. On n’avait qu’une envie, c’était de sortir de ce bourbier!
Le camping de Lastours nous a alors vu arriver de nuit après 7 heures de vélo, fatigués mais heureux de cette sacrée journée qui nous en aura fait voir de toute les couleurs, tant au propre qu’au figuré. Vite, sous la tente, pour un gros dodo avant que le coq du poulailler ne vienne nous réveiller!
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